Quel que soit le moment, la saison, l'heure, Yugo était toujours le même. C'était un jeune homme en forme, sportif, et pas très compliqué. Même si l'on ne pouvait pas le considérer comme ennuyeux, même s'il n'avait pas vraiment de routine, il faisait à peu près la même chose de ses journées depuis quelques années maintenant. Depuis son entrée dans l'institut Djoto, il avait perfectionné ses compétences dans l'art du combat rapproché. S'étant entraîné dur en pratiquant le kick-boxing et en ayant participé à plusieurs compétitions organisés par l'école, il avait sans cesse avancé dans son travail sur lui-même.

Il n'avait pas grand chose à prouver, sa réputation n'était plus à faire. En tant qu'exécuteur, il était considéré comme quelqu'un de relativement dangereux, compétent. Contrairement à la plupart des membres de son crew, il était quelqu'un de stable, assez normal. C'était probablement l'une des raisons pour lesquelles il était -la plupart du temps- détaché, éloigné, des histoires qui faisaient trembler les murs de l'institut Djoto.

Alors qu'il massait le sac de sable de coups de poings rapides et frénétiques, il pensait au fait que chaque nouvel élève était plus fort que le précédent. Et qu'étant lui-même considérable comme un "ancien", il aurait de plus en plus de difficulté à se faire une place parmi les grands. Être l'un des chefs de l'école lui offrait la possibilité de côtoyer les meilleurs combattants de l'école et, en fait, de tout le Japon. Penser au pays dans son entier lui rappela la raison pour laquelle il était venu :

Devenir plus fort qu'il ne l'était au paravant et rentrer, reprendre les rênes de son gang et refaire parler de lui, d'eux, sur tout le territoire qui leur revenait de droit.

Or, il avait énormément progressé depuis son inscription, et la promesse de Mitsuomi de partager avec lui son savoir lui assurait qu'il serait encore plus fort très bientôt. Bref, sa mission était probablement accomplie alors... pourquoi ne pas partir ?

Sur cette conclusion, il arrêta son exercice mécanique. Il n'était pas fatigué, mais penser à s'en aller lui filait un sacré mal de tête. Yugo n'en avait pas la moindre envie.

Koji fit craquer les jointures de ses doigts tout en avançant vers la salle de musculation, bien décidé à un petit exercice matinal. Il ne faisait pas très chaud le matin dans les couloirs de l'école, ainsi pressa-t-il le pas afin de ne pas mourir congelé, ce serait un petit peu bête surtout pour le colosse qu'il était. Après quelques minutes, il arrive enfin à ce qu'il considérait comme la salle la plus importante de Djoto, celle dans laquelle il passait le plus de temps depuis son inscription.

Il entra doucement, poussant la porte d'un geste négligé, et vit immédiatement qu'il y avait déjà quelqu'un de présent dans la salle de muscu. Et quelqu'un avec il s'était déjà embrouillé : Yugo, un des Exécuteurs. Bien décidé à ne pas créer de raffut dès le matin, Koji le salua simplement d'un signe de tête, tout en se demandant depuis quand il y avait des sacs de frappe dans la salle de muscu. Peut etre ne les avait il jamais remarqué dans le passé, tout simplement.

Le catcheur s'allongea sur l'un des appareils, et se mit à soulever des altères et des poids de plus de 300 kg, ce qui etait sans doute monnaie courante dans cette école de monstres. Il se mit à penser qu'il se sentait seul, que ses compagnons de clan n'étaient toujours pas arrivés et que dans ses conditions, le gang des rebelles ne parviendrait jamais à grandir, ce qui était un problème en soi, vu ses grandes ambitions. Au fur et à mesure qu'il soulevait les altères, de la sueur se mettait à perler sur son front et son torse musculeux, mais il devait à peine se concentrer pour réaliser un exercice aussi facile.

Après une dizaine de minutes d'exercice inarrêté, il remit les altères à leur place et se redressa, couvert de sueur. Yugo n'avait pas bougé et semblait fort pensif. Tout en se demandant pourquoi il faisait ça, Koji engagea la conversation tout en faisant de son mieux pour avoir l'air désinteressé et pas trop gentil.

"Qu'est-ce qui se passe, l'ami. Tu as l'air songeur. Des problèmes en vue ?"

Il eut un rictus de mépris qui ne devait pas être très convaincant, car, à vrai dire, à part son statut d'executeur, koji ne méprisait rien en Yugo. Mais bon, ça, il ne l'avouerait jamais.

Le colosse que Yugo connaissait comme l'un des nouveaux arrivés avait fait une séance courte mais assez éprouvante d'exercice. C'était le jugement de Yugo lorsqu'il repéra l'une ou l'autre goute de sueur faisant la course le long de ses bras. Pendant les quelques minutes pendant les quels les deux étudiants étaient resté parfaitement silencieux, Yugo s'était contenté de détacher le sac de sable et de le laisser au sol en pensant à ce qu'il ferait là, tout de suite.

La moindre décision faisant rappel au dilemme auquel il avait affaire en ce moment, il était normal que quelqu'un le remarque et lui pose des questions. Une chance que ce fut Koji et pas l'un des malades mentaux errant dans les couloirs de l'institut. Ceux-ci auraient vu là une faiblesse de laquelle profiter et il se serait attiré des ennuis, c'était certain.

"Qu'est-ce qui se passe, l'ami. Tu as l'air songeur. Des problèmes en vue ?" lui demanda-t-il donc.

Se rappelant de leur rencontre, Yugo ne savait pas trop réagir. En effet, Koji lui parlait de manière presque gentille mais avec une grimace assez indescriptible sur le visage. Lui aussi, il avait un air étrange.

" Non, aucun... mais merci de t'inquiéter. "

Yugo ne savait trop quoi faire, il ne connaissait pas grand chose à ses machines et ne saurait la quelle choisir. Il avait eu raison d'amener un sac histoire de se dégourdir les bras avant de se mettre à ce genre d'exercice. En attendant, toujours, il avait le sentiment de devoir à son tour engager la conversation.

" J'ai entendu dire que tu avais gagné ton premier combat, félicitation. " reprit-il. Ayant finalement comprit que la montagne de musculature avait précédemment tenté d'être méprisante, Yugo se contenta d'avoir l'air complètement désintéressé, même s'il était peut-être un peu tard pour avoir l'air de quoi que ce soit. Peut-être que le fait qu'il se dirige maintenant vers l'un des appareils d'exercice l'aiderait dans son jeu d'acteur... même s'il ne saurait vraiment décrire l'appareil en question.