Tetsunosuke Ichimura réprimait un bâillement d'ennui alors qu'il observait le paysage peu passionnant à travers la fenêtre de la voiture. Des arbres, des champs et encore des arbres, cette école était vraiment au milieu de nulle part et loin de tout ce que connaissait le garçon. Assis sur la banquette arrière peu confortable de la petite auto, il avait l'impression que le trajet n'en finissait plus. Il en avait ras le bol de la musique pop que crachaient les hauts-parleurs de mauvaise qualité et du bruit de fond que produisait sa très chère amie et employée Shizuka qui ne voulait pas s'arrêter de chanter en tapotant le rythme des chansons de ses doigts sur le volant. Elle chantait particulièrement faux et, pour le plus grand malheur du jeune Tetsu, Shizuka connaissait absolument par coeur toutes les musiques qu'elle faisait écouter avec un plaisir évident à son supérieur. Le garçon aurait pu tout simplement lui demander de la fermer mais il avait toujours été trop gentil avec ses larbins. En fait, il ne les voyait pas du tout de cette façon alors qu'il aurait très bien pu se comporter en véritable tyran envers ses employés. La jeune femme qui conduisait trop vite comme à son habitude, était chargée de faire la cuisine pour les grands gaillards du clan mais cela ne l'empêchait pas de se faire respecter.

Elle avait presque dix ans de plus que Tetsu qui ne pouvait alors s'empêcher de la traiter avec une grande politesse et sympathie. Mais même si les membres du clan parlait pratiquement toujours au garçon comme à un petit frère ou à un grand ami il n'oubliait pas leur position. Tetsu n'avait que dix-sept ans mais avait réussit à gravir les échelons rapidement au sein du Shinsen Gumi. Il avait commencé en tant que serviteur pour finir à la tête de l'organisation, ce n'était pas un hasard et tous les assassins qui travaillaient désormais pour lui le savaient. Le jeune garçon qu'il était inspirait tout de même le respect et très souvent la crainte pour les nouvelles recrues. Mais il avait bel et bien conscience que là où il se rendait en ce moment même tout serait différent. Personne ne l'appellerait maître, personne ne lui lécherait les bottes et peut-être bien que personne ne le craindrait. Ca l'embêtait vraiment de devoir se refaire une réputation mais il était obligé de se rendre à Djoto. Même si au départ ce n'était que pour faire plaisir à sa mère qui était inquiète pour lui, Tetsu était vraiment curieux de découvrir les différents combattants que l'école abritait. Il était doté d'un esprit particulièrement combatif et rêvait déjà d'être un des premiers du classement de l'institut. Il sourit à cette pensée, selon les rumeurs Djoto avait ouvert ses portes à de véritables monstres et psychopathes, c'était très intéressant. Tetsu qui était un assassin avait souvent songé aux compétitions et à l'expérience qu'elles lui apporteraient. Il était pressé de faire ses preuves et de montrer quel genre de combattant il était.

Finalement la petite voiture japonaise de Shizuka s'arrêta devant une immense bâtisse qui ne pouvait être que l'école que le jeune garçon était impatient de découvrir. Il n'attendit pas une seconde pour sortir de l'auto en saisissant tout de même avant le sac de sport à bandoulière qu'il avait négligemment jeté à côté de lui et qui était son seul et unique bagage à l'exception de ses armes. Il claqua la portière derrière lui mais garda une main distraitement posée sur la vitre alors qu'il admirait le bâtiment qui se dressait devant lui. Il n'avait pas l'air très bien entretenu mais restait tout de même particulièrement impressionnant, juste immense. Tetsu se dirigea vers le coffre même si il avait du mal à décrocher son regard de l'institut dont il mourrait d'envie de franchir les portes. Il sortit ses deux katanas qui était soigneusement emballés du coffre de la voiture et les jeta sur son épaule. Il les accrocherait à sa ceinture plus tard, il doutait qu'il en aurait directement besoin même si on ne savait jamais. Shizuka, elle aussi, était sortie de la petite auto pour admirer l'école et émit un petit sifflement impressionné avant d'offrir un énorme sourire à Tetsu. C'était qu'il en avait de la chance ! La jeune femme n'était jamais allée à l'école et commençait presque à le regretter. Elle s'inclina profondément devant son maître sans arrêter de sourire. Elle remontât dans la voiture non sans souhaiter une "bonne année scolaire" à son supérieur en gloussant pour ensuite plus sérieusement lui demander de faire attention à lui.

Tetsu ignora les remarques de la jeune femme même si cela l'amusait de savoir que Shizuka s'inquiétait pour lui. Elle n'avait aucune raison de douter de son chef, même si le garçon se dit qu'il devrait peut-être se montrer un peu plus prudent qu'à son habitude. Peuh, il n'en avait que faire des suggestions de cette fille qui ne savait pas reconnaitre en lui un combattant hors pair même si il était un peu ému quand même. Il se dirigea vers l'énorme porte de l'école sans se retourner, il savait que Shizuka s'en était allée. Enfin seul ! Une drôle de grimace de contentement s'étira sur son visage ; il allait casser la baraque ! Tetsu avait hâte de faire son entrée à Djoto, pressé d'affronter d'autres élèves. C'est en ricanant qu'il poussa les portes de l'établissement, il était tellement plongé dans ses pensées qui étaient pour le moins stupides qu'il prit à peine le temps de faire attention aux détails du décors de l'endroit où il se trouvait désormais.

Le hall était assez crade mais on pouvait deviner une splendeur passée sous la couche de crasse qui s'était accumulée dans la grande salle avec le temps. Il y avait deux fontaines et un petit comptoir qui devait servir d'accueil aux nouveaux élèves. L'expression de suffisance qu'affichait Tetsu fondit sur son visage lorsqu'il se rendit compte avec horreur qu'il était seul. Après avoir fait des heures de route en compagnie d'une chanteuse qui aurait été une vraie star de bêtisier il ne méritait même pas un accueil digne de ce nom ? Résigné il appuya sur une sonnette qui devait logiquement servir à appeler le concierge. Mais il ne mettait pas beaucoup d'espoir dans cette tentative, vu l'état des lieux il doutait que le concierge prenne son travail très au sérieux, si seulement concierge il y avait. Exaspéré, il s'assit en tailleur contre un mur et sortit un vieux bouquin de son sac. Il n'y croyait pas lui même, il allait lire en attendant que quelqu'un arrive. C'était fou, décidément l'ennui pouvait vous faire faire n'importe quoi.