Shunkan avait l'esprit embrumé, tout semblait y être distordu et fait de ténèbres. Un brouillard épais l'empêchait d'y reconnaître quelque chose, mais elle remarqua bien vite que c'était ses yeux qui n'arrivait pas à s'acclimater à la pénombre qui régnait en ces lieux. Alors elle pensa naturellement à la lumière, un souvenir clair qui était resté gravé au fond de sa mémoire, qui était doux et rassurant. Aussitôt, l'étrange endroit s'éclairci juste assez pour que la jeune fille puisse voir ce qu'il y avait autour d'elle. Le sol était constitué d'un carrelage à damier noir et blanc plein de fissures et qui semblait avoir enduré l'éternité, les murs étaient faits de roche noire qui pourtant donnait l'impression d'avoir un jour été d'un blanc immaculé. Il ne semblait pas y avoir de plafond, les murs étaient sans fin et on ne pouvait pas essayer d'apercevoir quoi que ce soit en inclinant la tête en arrière. Des dizaines d'énormes chaines tellement rouillées qu'elles ne semblaient plus posséder de véritable couleur trainaient sur le sol ou grimpaient aux murs tel un lierre envahissant. La toute jeune fille commença alors à avancer comme guidée par une voix intérieure, car en effet les lieux s'étendaient encore et encore et le carrelage à damier prit fin. Les murs avaient disparus et le sol était désormais fait d'une terre sombre qui semblait stérile. Le ciel avait une drôle de couleur orange pâle et les nuages étaient presque bruns, on aurait dit que le paysage sortait tout droit d'une vieille photo en sépia. Devant l'adolescente se dressait un grand portail rouillé de style gothique qui avait l'air d'à peine tenir debout. Elle tourna la poignée pour ainsi ouvrir une des deux grilles et pénétrer dans ce qui semblait être au premier abord un cimetière. Mais ce n'était pas des tombes qui s'étendaient sur des dizaines de mètres devant elle mais bien des rangées d'épées plantées dans le sol. Toutes différentes, certaines extrêmement spéciales qui semblaient venir d'un autre monde, d'autre travaillées comme de la dentelles étaient magnifiques ou encore simples mais terriblement longues et effilées. Une d'entre elles attira le regard de la jeune fille, la lame était sombre presque noire, courte et recourbée, d'étranges inscriptions y étaient gravées. L'adolescente se dirigea vers cette épée tellement attirante sans aucune hésitation, contournant les autres sans même les regarder comme si elle connaissait l'emplacement de chacune d'entre elles. Elle tendit la main pour saisir l'arme et alors que ses doigts l'effleurèrent une douleur insupportable la traversa comme si elle venait d'être frappée par la foudre.

Le réveil fût brutal, son corps entier la brulait, les sons lui semblaient être assourdissants, les odeurs lui donnaient la nausée, les couleurs étaient terriblement forte et aveuglantes et elle avait un immonde goût de sang dans la bouche. Shunkan s'était redressée d'un coup totalement paniquée et haletante, elle avait des tuyaux dans le nez et une perfusion dans le bras. Mais qu'est-ce que c'était que ce bordel ? Alors qu'elle venait d'ouvrir les yeux, elle s'attendait à devoir esquiver une attaque de Mataza et d'assister Isuzu lors de la suite du combat. Alors que des infirmières autour d'elle lui demandait de se calmer et de rester tranquille la jeune fille arracha les fils qui lui semblaient désormais futiles. La douleur la transperçait de toute part mais elle serrait les dents, elle voulait s'en aller immédiatement. Shunkan avait perdu son combat, elle était lamentable, elle n'avait même pas pu se protéger elle même de celui qui avait osé marquer son corps et son esprit à jamais. La jeune fille ne savait pas qui l'avait amenée à l'infirmerie et comment le combat c'était terminé. Elle n'apercevait pas Isuzu, peut-être s'en était-elle sortie indemne et l'avait emmenée à l'infirmerie ? La pensionnaire ne savait pas envers qui elle avait désormais une dette mais elle était sûre de ne jamais oublier sa reconnaissance.
Des larmes brulantes coulaient désormais sur ses joues, elle les essuyas avec rage. Elle avait certainement eut la peur de sa vie et ne pourrait sûrement plus jamais dormir sans avoir une pensée pour Mataza Kayza. Shunkan ignora les infirmières qui l'entourait pour se diriger vers la porte d'un pas chancelant.